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Finalement, la chaise de dentiste version Siri me paraît bien peu sexy et légèrement rigidifiante. N'allez pas croire, c'est un élément non négligeable. Ca fonctionne comme ça pour un texte, on imagine trop aisément la forme influer sur le fond et vitché-versa. En outre, puisque nous parlons symbolique,  Michel Tournier a écrit : "Il faut écrire debout et non à genoux… L'œuvre ne doit être jamais soumise." Avait-il pensé à appliquer sa formule concrètement ? (Ici ai posté un extrait plus large trouvé après ma ptite enquête, qui l'illustre complètement, et que je vous recommande chaudement).

 

Fernando Pessoa, si : "Un jour…– ce fut le 8 mars 1914 – je m’approchai d’une commode haute, et prenant un papier, je commençai d’écrire, debout, comme je le fais chaque fois que je le peux. Et j’écrivis une bonne trentaine de poèmes d’affilée, dans une sorte d’extase dont je ne saurais définir la nature. Ce fut le jour triomphal de ma vie, et je n’en connaîtrai jamais de semblable. Je débutai par un titre Le gardeur de troupeau et ce qui suivit fut l’apparition en moi de quelqu’un que j’ai d’emblée appelé Alberto Caeiro. Pardonnez-moi cette absurdité : en moi était apparu mon maître. "

 

Henry Troyat écrivait aussi debout,

 

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mais aussi Victor Hugo, ou bien encore Philippe Roth comme on l'a découvert dans un documentaire récent.

 

philip-roth-gp15.jpg

 

Mais chez Roth il s'agit aussi d'une contrainte physique, à cause de ses maux (mots) de dos. Jeune, il s'asseyait :

 

11-philip-roth.jpg

 

Cela force l'admiration l'écriture debout car c'est beau un homme qui marche, réfléchit, puis écrit, et ne cesse jamais ce mouvement durant le temps d'écriture (question : trouverez-vous belle une écrivaine debout ? Internet n'en répertorie bizarrement pas - vous aurez remarqué combien j'aime parfois faire la naïve sur la question féministe). Ecrire debout, c'est certainement donner de la densité, une tension à son écriture,  on imagine que c'est être pleinement dans la vie, puiser au plus profond de soi par le mouvement pour que chaque mot ait du sens.

Dailleurs lorsque j'enseignais en maternelle, j'avais pu constater que c'était un réflexe spontané chez l'enfant : écrire debout. On oublie souvent de retourner vers le naturel de l'enfance, toujours plus proche de la vie. Drôle comme il faut avoir mal au dos devenu vieux pour se forcer à les retrouver.

N'oublions pas non plus les péripapétitiens, Aristote qui enseignait en se promenant, c'était pas pour rien. Pour des raisons évidentes d'ironie sémantique déjà bien ancrée dans le langage courant, les écrivaines éviteront de poser leurs pupitres sur les trottoirs (cela dit, finalement pourquoi pas, au contraire).

 

Bien. Voilà pour les raisons éthiques, spirituelles et physiques, ô combien encourageantes.

Pensons désormais aux problèmes d'ordre pratique. D'abord, il faut un bureau adapté. Une commode haute. Le mieux : un pupitre de commissaire-priseur ou de clerc de notaire. Ou un pupitre tout court.

 

pupitre-a-ecrire-debout-.jpg

 

(Une petite virée sur Le bon coin devrait pouvoir faire le bonheur de l'aspirant écrivain debout).

Mais on n'en a pas fini une fois le meuble trouvé. Vous n'aurez pas été sans remarquer sur les photos que les écrivains debout écrivent avec un stylo. Roth en a même abandonné la machine à écrire. La raison s'imagine aisément : le mouvement doit être complet, des pieds jusqu'au bout des doigts, jusqu'au papier. Challenge contemporain : écrire debout sur un clavier, ça donnerait quoi ?

 

Après tout, on a connu d'autres cas de pianotage debout  :

 

 

 

 

 

Tag(s) : #textes persos