Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

liquide_1.JPG

 

Voici un texte original, dans une langue précise, à la fois intuitive et soigneusement choisie.

Tout le propos tient dans la métaphore du liquide. L'auteur s'y tient, autant dans les images multiples que dans la forme : chute des phrases comme chute d'eau, rejets comme des bras de rivière, parenthèses comme détours et obstacles du cheminement de brindilles au fil de...

Les images m'ont convaincue moins que la forme, je les ai vécues parfois comme prétextes au désir de l'auteur de maintenir son cap.

Le narrateur reste en surface. Il se refuse, depuis l'enfance, d'entrer dans la profondeur du cours de sa vie. Il observe les événements qui le touchent sans vouloir en sonder les raisons, ce qui dans le fond des êtres a motivé leurs actes. Chacun reste figurant d'une vie qui, à défaut d'avoir été jamais réfléchie (à être en surface on n'en voit pas le reflet), s'est coulée dans un modèle fantasmé et hyper-normatif : celui des parents. Un écueil apparemment insignifiant dans l'enfance, une vaisselle non faite, a cependant toujours laissé planer un doute sur ce modèle, mais il a plané toujours bien bas, toujours près de la surface, jamais intégré dans les remous intérieurs.

C'est finalement l'histoire d'un crime : un homme qui par refus de profondeur, par simple observation de l'écoulement du temps ou des évenements, s'est pourtant laissé aimer, trahir, "reproduire", abandonnant les autres à leur solitude : une existence trompée par un fantôme des ondes, peut-être par un ondin qui aurait toujours refusé de grandir, refusé de voir ses parents, surtout sa mère, comme des êtres humains, refusé par extension de voir tous les êtres, surtout les femmes, comme également humains. Tout cela par refus de sa propre humanité.

Ce fut une lecture originale mais qui me laissa moi-même également en surface. Difficile exercice qu'a choisi Philippe Annocque : le formatage dans lequel entre le narrateur est si immensément banal que le lecteur a un peu de mal à décoller de cette banalité. Et j'avoue que j'ai eu du mal à y croire, souvent : l'intelligence et le foisonnement de mots avec lesquels s'analyse a fortiori le narrateur laisse dubitatif quant à son manque de profondeur, dans la vie. Ca ne colle pas, en tout cas pour moi ça n'a pas fonctionné. Il m'aurait fallu pour y croire la langue blanche pleine de silences d'un Camus, dans L'étranger.

Mais j'ai beaucoup aimé l'élégance du texte, les trouvailles sous forme de métaphores filées, ainsi que de très jolies phrases. Celle que j'ai le plus aimée, sous forme de rejet, et qui, certainement, explique tout :

puisqu'il n'y a plus nulle part une femme dont être l'enfant.

Tag(s) : #au long cours