J'aime bien cette photo, ça reflète à la fois
transparence et opacité, les rideaux sont comme déchirés, et y'a le pompon comme un poids, un genre de niveau à bulle sans bulle pour dire hé ho r'gardez elle est là la verticalité. Faut dire que
l'horizon est loin, hors de vue, bancale, les ciels y sont trop légers ou trop lourds c'est selon, c'est pas qu'on ait besoin de dentelle mais d'effilochement, vous voyez les fils qui pendent,
eux ils hésitent ils n'ont pas de poids, ils peuvent se balancer, rester de guinguois montrer une direction incertaine, vers le sol mais en zig-zag, histoire de rester tranquille en suspens
encore un peu plus longtemps. Y'a du flou derrière, on dirait des ondes, de l'eau ou rien que des rochers, si ça se trouve on devine rien et c'est la rue voilà tout. Le pompon il est là digne
dans le vieux rideau il dit je me souviens du temps où, en même temps il regarde dehors et on dirait qu'il se demande : tiens ce sera comment demain et là-bas ? Alors moi je sais pas on est
dedans on regarde le pompon qui regarde et on fait quoi, on est tranquille, on pense et on aime puisque l'amour et la pensée c'est ce qui nous reste d'intime, et on ne bougera pas tout en ayant
envie d'ouvrir la fenêtre et bousculer le pompon au passage. Il se balancera longtemps jusqu'à redevenir immobile, il aura montré tant de directions différentes en attendant...
(Photographie de Mona Kuhn)